SUR LA RÉCENTE DÉCISION DU CONSEIL
CONSTITUTIONNEL
BILLET 4
(Sartè da San Damianu) |
Dans
le dernier billet, la réflexion conduisait à se demander pourquoi cette situation
dégradée et l’intérêt général n’ont pas été retenus pour la
prorogation du dispositif d’exonération fiscale pour les droits de mutation des
immeubles en Corse, afin de passer avec succès la 2ème phase (voir 1er billet) du contrôle du
Conseil constitutionnel (CC).
Pour
comprendre revenons sur la réflexion de Michel BERNARD dans sa partie relative
à la compatibilité du statut fiscal dérogatoire de la Corse avec le principe
d'égalité, examiné à l'occasion de la loi relative à la Corse de 2002.
Comme le régime fiscal dérogatoire pour les immeubles
situés en Corse, dispensait leur transmission de paiements des droits de
mutation, depuis deux siècles, le projet soumis alors par le gouvernement au
Conseil d'État prévoyait un retour
progressif au droit commun avec une période transitoire.
Examinant
ce projet de loi, à l’identique de tous les projets de lois qui doivent être
présentés au Parlement, le Conseil
D’Etat :
→ a admis que
« l'intérêt général qui s'attache au rétablissement de l'égalité devant
l'impôt par le retour au droit commun en matière d'imposition des successions
en Corse, après une très longue période de non droit génératrice de désordres
juridiques et de profondes inégalités avec le continent pouvait s'accommoder
d'une période transitoire au cours de laquelle serait franchie une étape
significative de réduction de ces inégalités ».
→ Mais il aussi estimé
que les dispositions du projet « par leur caractère trop général,
laisseraient subsister, pendant longtemps, entre les héritiers de biens
immobiliers, selon que ces biens sont situés en Corse ou sur le continent, des
discriminations, qui ne peuvent être pleinement justifiés ni par des
différences de situation ni par des objectifs d'intérêt général en rapport avec
l'objet de la loi et seraient donc contraires au principe constitutionnel
d'égalité » (cf : http://www.assemblee-nationale.fr/11/rapports/r2995.asp
page 336 et suivantes).
Donc le Conseil d'Etat acceptait une période transitoire pour le
retour au droit commun, à condition qu’elle ne soit pas trop longue.
Ainsi dès 2002, les
parlementaires et les connaisseurs du dossier savaient que le Conseil d’Etat,
conseiller juridique du gouvernement, prônait
le retour au droit commun au nom du rétablissement du principe de l’égalité
devant l’impôt.
Bien
évidemment fidèles aux habitudes, certains ont considéré qu’il y avait là une
avancée et que le futur permettrait à nouveau une politique de petits pas en développant
l’idée qu’il fallait privilégier deux axes : un axe juridique (constitution
des actes de propriété) et un axe fiscal ( neutralisation de toute perception
au profit du Trésor Public).
Mais
les travaux du GIRTEC (Groupement d’Intérêt public pour la Reconstitution des
Titres de propriétés En Corse) n’ont effectivement débuté qu’au mois d’avril
2009, suivant le procès verbal du conseil supérieur d’orientation du GIRTEC du
31 juillet 2010 (page 3).
Aussi l’axe juridique n’a été effectif que
2 ans ½ avant le délai fatal du 31 décembre 2012, ce qui réduisait de 75 % le
délai accordé pour reconstituer les titres de propriété.
Cette sortie du droit commun était également susceptible
d’arriver au regard des règles de fonctionnement du CC qui peut se prononcer sur
des dispositions qu'il soulève d'office, c’est à dire sur d’autres dispositions
que celles qui ont conduit à sa saisine. Et il le fait d’autant plus facilement
dès lors que le Conseil d’Etat lui indique les dispositions qui semblent
contraires au principe de l’égalité devant les charges publiques ou devant
l’impôt.
Mais pourquoi
disent certains, ce qui était possible en 2002 (sous entendu la prorogation
du délai) ne le serait plus
aujourd’hui ?
Eh bien en raison de la décision
du CC du 20 juillet 2008 (Décision n° 88-244 DC),
selon laquelle « l'autorité de chose jugée attachée à la décision du
Conseil constitutionnel du 22 octobre 1982 est limitée à la déclaration
d'inconstitutionnalité visant certaines dispositions de la loi qui lui était
alors soumise ; qu'elle ne peut être utilement invoquée à l'encontre d'une
autre loi conçue, d'ailleurs, en termes différents ».
En somme la déclaration d’inconstitutionnalité de certaines
dispositions ne signifie pas que les autres le soient : cela dépendra
du contenu de la nouvelle loi, de la motivation de la nouvelle loi et de
l’intérêt général des dispositions qu’elle contient.
Et justement en 2002, lors de
l’examen de la loi sur la Corse ,
le CC ne s’est pas prononcé sur la prorogation …. malgré l’invite du Conseil
d’Etat.
Ainsi
un nouveau texte aurait peu de chance d’échapper à une nouvelle censure du CC pour
deux raisons : la 1ère serait son caractère dérogatoire face à
l’immense effort de maîtrise du déficit public et de la dette et la 2ème
serait la présomption
d’inconstitutionnalité, indiquée par le Conseil d’Etat qu’il est en droit de
soulever d’office.
Les
démarches quémandeuses auprès du Gouvernement, entendues ici ou là, pour « ne
pas agir sous la pression de la rue », me semblent donc inadaptées.
La
solution est ailleurs. Elle sera développée dans le billet suivant.
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