lundi 7 janvier 2013


SUR LA RÉCENTE DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
BILLET 4

(Sartè da San Damianu)
  
Dans le dernier billet, la réflexion conduisait à se demander pourquoi cette situation dégradée et l’intérêt général n’ont pas été retenus pour la prorogation du dispositif d’exonération fiscale pour les droits de mutation des immeubles en Corse, afin de passer avec succès la 2ème phase (voir 1er billet) du contrôle du Conseil constitutionnel (CC).

Pour comprendre revenons sur la réflexion de Michel BERNARD dans sa partie relative à la compatibilité du statut fiscal dérogatoire de la Corse avec le principe d'égalité, examiné à l'occasion de la loi relative à la Corse de 2002.

Comme le régime fiscal dérogatoire pour les immeubles situés en Corse, dispensait leur transmission de paiements des droits de mutation, depuis deux siècles, le projet soumis alors par le gouvernement au Conseil d'État prévoyait un retour progressif au droit commun avec une période transitoire.

Examinant ce projet de loi, à l’identique de tous les projets de lois qui doivent être présentés au Parlement, le Conseil D’Etat :

a admis que « l'intérêt général qui s'attache au rétablissement de l'égalité devant l'impôt par le retour au droit commun en matière d'imposition des successions en Corse, après une très longue période de non droit génératrice de désordres juridiques et de profondes inégalités avec le continent pouvait s'accommoder d'une période transitoire au cours de laquelle serait franchie une étape significative de réduction de ces inégalités ».
Mais il aussi estimé que les dispositions du projet « par leur caractère trop général, laisseraient subsister, pendant longtemps, entre les héritiers de biens immobiliers, selon que ces biens sont situés en Corse ou sur le continent, des discriminations, qui ne peuvent être pleinement justifiés ni par des différences de situation ni par des objectifs d'intérêt général en rapport avec l'objet de la loi et seraient donc contraires au principe constitutionnel d'égalité » (cf : http://www.assemblee-nationale.fr/11/rapports/r2995.asp page 336 et suivantes).

Donc le Conseil d'Etat acceptait une période transitoire pour le retour au droit commun, à condition qu’elle ne soit pas trop longue.  


Ainsi dès 2002, les parlementaires et les connaisseurs du dossier savaient que le Conseil d’Etat, conseiller juridique du gouvernement, prônait le retour au droit commun au nom du rétablissement du principe de l’égalité devant l’impôt.

Bien évidemment fidèles aux habitudes, certains ont considéré qu’il y avait là une avancée et que le futur permettrait à nouveau une politique de petits pas en développant l’idée qu’il fallait privilégier deux axes : un axe juridique (constitution des actes de propriété) et un axe fiscal ( neutralisation de toute perception au profit du Trésor Public).

Mais les travaux du GIRTEC (Groupement d’Intérêt public pour la Reconstitution des Titres de propriétés En Corse) n’ont effectivement débuté qu’au mois d’avril 2009, suivant le procès verbal du conseil supérieur d’orientation du GIRTEC du 31 juillet 2010 (page 3).

Aussi l’axe juridique n’a été effectif que 2 ans ½ avant le délai fatal du 31 décembre 2012, ce qui réduisait de 75 % le délai accordé pour reconstituer les titres de propriété.

Cette sortie du droit commun était également susceptible d’arriver au regard des règles de fonctionnement du CC qui peut se prononcer sur des dispositions qu'il soulève d'office, c’est à dire sur d’autres dispositions que celles qui ont conduit à sa saisine. Et il le fait d’autant plus facilement dès lors que le Conseil d’Etat lui indique les dispositions qui semblent contraires au principe de l’égalité devant les charges publiques ou devant l’impôt.


Mais pourquoi disent certains, ce qui était possible en 2002 (sous entendu la prorogation du délai) ne le serait plus aujourd’hui ?

Eh bien en raison de la décision du CC du 20 juillet 2008 (Décision n° 88-244 DC), selon laquelle « l'autorité de chose jugée attachée à la décision du Conseil constitutionnel du 22 octobre 1982 est limitée à la déclaration d'inconstitutionnalité visant certaines dispositions de la loi qui lui était alors soumise ; qu'elle ne peut être utilement invoquée à l'encontre d'une autre loi conçue, d'ailleurs, en termes différents ».

En somme la déclaration d’inconstitutionnalité de certaines dispositions ne signifie pas que les autres le soient : cela dépendra du contenu de la nouvelle loi, de la motivation de la nouvelle loi et de l’intérêt général des dispositions qu’elle contient.

Et justement en 2002, lors de l’examen de la loi sur la Corse, le CC ne s’est pas prononcé sur la prorogation …. malgré l’invite du Conseil d’Etat.

Ainsi un nouveau texte aurait peu de chance d’échapper à une nouvelle censure du CC pour deux raisons : la 1ère serait son caractère dérogatoire face à l’immense effort de maîtrise du déficit public et de la dette et la 2ème serait  la présomption d’inconstitutionnalité, indiquée par le Conseil d’Etat qu’il est en droit de soulever d’office.

Les démarches quémandeuses auprès du Gouvernement, entendues ici ou là, pour « ne pas agir sous la pression de la rue », me semblent donc inadaptées.

La solution est ailleurs. Elle sera développée dans le billet suivant. 


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