mercredi 30 janvier 2013


SARTÈNE
UNE GESTION DES PERSONNELS
QUI LAISSE A DÉSIRER


(A Stretta di Fratelli Bartoli - cliquer pour agrandir)


Voici mon intervention devant le conseil municipal du 28 janvier 2013 : 

Mes chers collègues,

Le projet de délibération 2013-018 soumet au conseil municipal :
→ La suppression de deux postes d’adjoints administratifs de 2ème classe à temps complet,
→ La création de deux postes d’adjoints administratifs de 1ère classe à temps complet.

Ce projet est illégal tant pour des raisons de fond (§1-non respect de l’information complète) que de forme (§2- non respect de la procédure)


1 – Sur le droit à « l’information complète » des conseillers municipaux

Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération (article L. 2121-13 du CGCT). Cette information doit lui permettre de prendre sa décision en toute connaissance des projets de délibération qui sont mis en débat.

La jurisprudence est constante sur ce point depuis 1973 (CE, 9 11 973, commune de Pointe-à-Pitre) et précise les documents à communiquer (CE ; 29 06  1990, commune de Guitrancourt c/Mallet et autres) : projets de délibérations et tous documents nécessaires pour apprécier le sens, la portée et la validité de ces projets, notamment les études financières, techniques, l'impact des projets, les rapports juridiques et administratifs indispensables.

Or le tableau des effectifs qui constitue la base décisionnelle de réflexion des conseillers municipaux, c’est-à-dire l’information complète des conseillers municipaux, ne figure pas au dossier.

Les seuls éléments dont nous disposons est l’état des effectifs, qui figurait au budget primitif de 2011 et deux ans sont passés depuis.  Cet état mentionnait un effectif de 36 agents pour 36 postes budgétaires autorisés répartis de la sorte :
→ 13 pour le secteur administratif
→ 22 pour le secteur technique
→ 1 pour le secteur sportif.

Depuis plus aucune information n’a été fournie au conseil municipal !


L’information est également incomplète dans la mesure où aucune incidence budgétaire n’est présentée.

C’est d’autant plus important que les charges de personnel étaient estimées à 1 707 170 € au BP 2012 et que leur exécution pour 2012 est inconnue.

Mais à l’expérience on s’aperçoit que les dépenses de personnel ne sont pas maîtrisées : il y avait 1 586 308 € dépensés au CA 2011, soit près de 8 % de plus que … le prévisionnel 2012.

C’est-à-dire que le prévisionnel 2012 était déjà en retard sur la réalité !

L’information incomplète est donc patente sur ce point aussi car il n’y a pas d’estimation des conséquences budgétaires, d’autant que les dépenses de personnel qui étaient de 1 586 308 € au CA 2011 représentent la part la plus importante (53%) du total des dépenses de fonctionnement qui étaient de 2 989 636 € au CA 2011.   


2 – Sur la procédure à suivre

La transformation d'un emploi implique une suppression suivie d'une création. Or la jurisprudence précise que dans le processus de suppression-création, il faut faire application des règles relatives à la suppression d'emploi (CE, 22 février 1995, Bertile, n° 134148).

Dès lors en application de l’article 97 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (tel qu’il résulte de la modification apportée par le par LOI n°2012-347 du 12 mars 2012 - art. 122-V), la suppression n’est légalement possible qu’après consultation du comité technique :

« I.-Un emploi ne peut être supprimé qu'après avis du comité technique sur la base d'un rapport présenté par la collectivité territoriale. Le président du centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité est rendu destinataire, en même temps que les représentants du comité technique, du procès-verbal de la séance du comité technique concernant la suppression de l'emploi. »

Or le procès verbal (ou l’indication formelle) de la consultation de cette instance ne figure pas parmi les documents portés à la connaissance du  conseil municipal.

D’ailleurs la seule consultation qui a eu lieu le 7 décembre 2012 ne concerne que l’accession au grade supérieur. Dès lors la procédure suivie est illégale puisqu’elle ne respecte pas l’article 97 modifié de la loi du 26 janvier 1984.  

Le projet de délibération en sa globalité est illégal :
→ Sur le fond (absence d’information complète des conseillers municipaux)
→ Et sur la forme (non respect de l’article 97 de la loi du 26/01/1984).

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Je voterai donc contre ce projet de délibération car il a peu de chance d’échapper à la censure du sous préfet.

Nos personnels méritent bien mieux que cette gestion approximative ! 

lundi 28 janvier 2013


SARTÈNE
LE MAIRE ET L’EMPRUNT


Voici mon intervention devant le conseil municipal du 28 janvier 2003 : 


Mes chers collègues,

Dans son projet de délibération le Maire propose que notre conseil municipal lui délègue le pouvoir de réaliser des emprunts destinés au financement des investissements prévus par le budget, pour un montant maximal de 200 000 €.

Cette possibilité, qui n’est pas une obligation, est fondée sur l’article L 2122-22 du CGCT :  
« Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat :
3° De procéder, dans les limites fixées par le conseil municipal, à la réalisation des emprunts destinés au financement des investissements prévus par le budget, et aux opérations financières utiles à la gestion des emprunts, y compris les opérations de couvertures des risques de taux et de change ainsi que de prendre les décisions mentionnées au III de l'article L. 1618-2 (dérogation de dépôt de fonds au compte du Trésor pour certaines ressources) et au a de l'article L. 2221-5-1, (dérogation de dépôt de fonds au compte du Trésor pour les réserves de trésorerie) sous réserve des dispositions du c de ce même article, et de passer à cet effet les actes nécessaires ;
…… »

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Cette délégation doit être examinée avec une attention particulière depuis que de nombreuses collectivités locales ont connu d’importantes difficultés après avoir souscrit des « emprunts toxiques ».

C’est d’ailleurs ce qui a conduit le gouvernement à inciter les collectivités locales et les banques à signer une charte entrée en vigueur le 1er janvier 2010 qui permet de clarifier le contenu des emprunts souscrits suivant leur niveau de risque.

En pratique les collectivités avaient souscrit des emprunts à taux variables, qui étaient très intéressants les premières années. Mais comme ils étaient reliés au taux de change entre monnaies, après cette courte période les taux s’envolaient et ont placé les collectivités en situation délicate.

La charte classifie donc les emprunts en catégories en fonction du risque et de la complexité du produit.

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Aussi la délégation anodine de l’article L 2122-22 du CGCT  a suscité des précisions de la part du ministre de l’intérieur et de celui des finances, après les nombreuses difficultés rencontrées par des collectivités locales qui détenaient des « emprunts toxiques ». 
La circulaire NOR IOCB1015077C du ministre de l’intérieur du 25 juin 2010 relative aux produits financiers offerts aux collectivités territoriales, demande aux collectivités de mieux formaliser leur politique de gestion de la dette et de souscription d'emprunts nouveaux.
L'instruction comptable 10-019-M10 du 3 août 2010 donne toutes les précisions utiles sur les divers types de produits financiers (emprunts, trésorerie, gestion de la dette) ainsi que sur le rôle de conseil du comptable public.

C’est dire la prudence qui est désormais demandée aux collectivités locales !

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Dans sa circulaire, le ministre de l’intérieur demande donc à chaque conseil municipal de préciser le contenu de la délégation donnée au Maire, si telle est sa décision, notamment sur les points suivants :
1 - Types de produits financiers (emprunt, trésorerie, renégociation) ;
2 - Niveau annuel de l’emprunt global de la collectivité ;
3 - Sécurité et complexité du produit financier souscrit ;
4 - Obligation d’information du conseil municipal s’agissant des emprunts souscrits afin de vérifier si le ou les emprunts souscrits correspondent bien à la délégation. 

Au surplus la circulaire recommande de limiter la délégation à un seul exercice afin de pouvoir réexaminer chaque année la situation de l’endettement, lors du rapport sur l’état et l’évolution de la dette.

C’est aussi la totalité de ces éléments que le ministre demande à chaque service du contrôle de légalité de vérifier.

Tous ces éléments ne figurent pas dans le projet de délibération présenté au conseil municipal qui est manifestement illégal dans la mesure où son contenu est imprécis et général (Arrêt du Conseil d’Etat  du 2 février 2000, commune de Saint Joseph).

C’est donc un projet de délibération incomplet et manifestement illégal qui nous est proposé.

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Mais pour en revenir à notre commune, je rappelle que le CA de 2011 actait des recettes de fonctionnement de 3 181 850 €, qui étaient absorbées par les dépenses de fonctionnement pour 3 084 252 € et par un remboursement du capital de la dette de 200 144 €.

C’est-à-dire que les dépenses (3 084 252 + 200 144 = 3 284 396 €) représentaient 103,22 % des recettes, sachant qu’à 105 % c’est la chambre régionale des comptes qui intervient et que nous nous retrouverions alors dans la même position que la CCSV.

D’un point de vue pratique il y a également intérêt à ce que nous examinions collégialement les conséquences des emprunts souscrits, puisque la gestion actuelle nous a conduit tout près de la limite d’intervention de la CRC, d’autant qu’au CA 2011, la dette de la commune était déjà de 1 122 681 €.  

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Depuis quelques années maintenant, le Maire est seul pour gérer les finances de notre commune. Et nos appels répétés lui demandant de pourvoir au remplacement du premier adjoint en charge des finances n’ont pas eu de réponse à ce jour.

D’un point de vue politique je pense que cette voie n’est pas la bonne.

La décision d’emprunter doit à mon sens, relever de la responsabilité pleine et entière du conseil municipal, dont chaque membre a été désigné par les Sartenaises et les Sartenais.

(A piazza di notte - Cliquer pour agrandir)

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Pour les raisons de droit ci-avant exposée, au regard de la situation financière et des conditions d’exercice de son mandat par le Maire, je voterai contre l’adoption du projet de délibération et saisirai le Sous Préfet le cas échéant. 

mardi 8 janvier 2013


SUR LA RÉCENTE DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
BILLET 5

(A piana di u Rizzanese)


Malgré l’avis défavorable du Conseil d’Etat, le gouvernement a maintenu en 2002, son projet en sa partie relative à la prorogation du délai en cause. Le texte a été voté sans modification par le Parlement. Les auteurs de la saisine de la loi sur la Corse n’ont pas soulevé ce point.

Au surplus le  Conseil constitutionnel (CC) n'a pas soulevé d'office la question de la conformité à la Constitution des dispositions que le Conseil d'État avait considérées comme inconstitutionnelles.

Aujourd’hui la décision du CC est tombée : elle n’est susceptible d'aucun recours et elle s'impose aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (article 62 de la Constitution).

Il est donc délicat de penser qu’une disposition nouvelle pourrait apporter un changement à cette situation. D’autant que le CC n’a pas donné une solution au gouvernement, comme pour l’imposition à 75 % des revenus au-delà d’un million d’euros : la contribution exceptionnelle de solidarité devrait être assise sur le foyer fiscal et non sur chaque personne physique.
 
Pour la Corse il n’a donné aucune indication.
 
Bien au contraire, le CC a pris soin d’argumenter sa décision en cinq paragraphes afin que le doute ne soit pas permis.

Comment surmonter cet écueil ?

En relisant ce que dit Michel BERNARD en deux phrases :

1 – « Dans le respect des principes constitutionnels (indivisibilité de la République, égalité des citoyens devant la loi, libre administration des collectivités territoriales, respect des prérogatives de l'État), le CC permet de prendre non seulement pour la Corse, mais aussi pour les autres collectivités territoriales, de nouvelles mesures de décentralisation ».


2 - « Sa jurisprudence s'oppose en revanche à ce que, en l'absence de révision constitutionnelle, des parties du territoire français métropolitain puissent être dotées de statuts d'autonomie comparables à ceux des territoires d'outre-mer ou à ceux de certains pays ou régions dans des États voisins qui n'ont pas la même tradition unitaire que la France ».

Voici qui est clairement dit et qui correspond à l’idée que nous défendons depuis longtemps et que nous avons reprise lors de la campagne des dernières législatives :

réviser la Constitution dans sa partie relative aux collectivités territoriales (Titre XII) afin de reconnaître la Corse comme une collectivité spécifique,

lui conférer les compétences lui permettant d’assumer ce caractère, hors celles relevant des prérogatives de l’Etat : monnaie, politique étrangère, défense, justice, police, santé et éducation.

Nul ne pensera que Michel BERNARD  partage nos idées.

Mais sa démonstration a un caractère implacable : le principe de réalité commande de changer de registre si l’on veut que l’île puisse se défaire de ses habitudes multiséculaires.

Dans le cas contraire il ne restera à nos concitoyens qu’à payer et laisser la Corse à l’abandon physique, patrimonial et économique puisque 58 % du territoire insulaire est dans l’indivision car 500 000 Ha sur 868 000 appartiennent à des propriétaires présumés défunts, car nés avant 1910.

Les Corses doivent donc manifester leur volonté afin que nul n’ignore quel est leur sentiment.


Mais quelle sera la réaction du Conseil constitutionnel diront les derniers opposants ?

Répondez-leur que le 26 mars 2003 (Décision 2003-469 DC) le CC s'est déclaré incompétent pour statuer sur le recours formé contre la révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, adoptée le 17 mars précédent. 

lundi 7 janvier 2013


SUR LA RÉCENTE DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
BILLET 4

(Sartè da San Damianu)
  
Dans le dernier billet, la réflexion conduisait à se demander pourquoi cette situation dégradée et l’intérêt général n’ont pas été retenus pour la prorogation du dispositif d’exonération fiscale pour les droits de mutation des immeubles en Corse, afin de passer avec succès la 2ème phase (voir 1er billet) du contrôle du Conseil constitutionnel (CC).

Pour comprendre revenons sur la réflexion de Michel BERNARD dans sa partie relative à la compatibilité du statut fiscal dérogatoire de la Corse avec le principe d'égalité, examiné à l'occasion de la loi relative à la Corse de 2002.

Comme le régime fiscal dérogatoire pour les immeubles situés en Corse, dispensait leur transmission de paiements des droits de mutation, depuis deux siècles, le projet soumis alors par le gouvernement au Conseil d'État prévoyait un retour progressif au droit commun avec une période transitoire.

Examinant ce projet de loi, à l’identique de tous les projets de lois qui doivent être présentés au Parlement, le Conseil D’Etat :

a admis que « l'intérêt général qui s'attache au rétablissement de l'égalité devant l'impôt par le retour au droit commun en matière d'imposition des successions en Corse, après une très longue période de non droit génératrice de désordres juridiques et de profondes inégalités avec le continent pouvait s'accommoder d'une période transitoire au cours de laquelle serait franchie une étape significative de réduction de ces inégalités ».
Mais il aussi estimé que les dispositions du projet « par leur caractère trop général, laisseraient subsister, pendant longtemps, entre les héritiers de biens immobiliers, selon que ces biens sont situés en Corse ou sur le continent, des discriminations, qui ne peuvent être pleinement justifiés ni par des différences de situation ni par des objectifs d'intérêt général en rapport avec l'objet de la loi et seraient donc contraires au principe constitutionnel d'égalité » (cf : http://www.assemblee-nationale.fr/11/rapports/r2995.asp page 336 et suivantes).

Donc le Conseil d'Etat acceptait une période transitoire pour le retour au droit commun, à condition qu’elle ne soit pas trop longue.  


Ainsi dès 2002, les parlementaires et les connaisseurs du dossier savaient que le Conseil d’Etat, conseiller juridique du gouvernement, prônait le retour au droit commun au nom du rétablissement du principe de l’égalité devant l’impôt.

Bien évidemment fidèles aux habitudes, certains ont considéré qu’il y avait là une avancée et que le futur permettrait à nouveau une politique de petits pas en développant l’idée qu’il fallait privilégier deux axes : un axe juridique (constitution des actes de propriété) et un axe fiscal ( neutralisation de toute perception au profit du Trésor Public).

Mais les travaux du GIRTEC (Groupement d’Intérêt public pour la Reconstitution des Titres de propriétés En Corse) n’ont effectivement débuté qu’au mois d’avril 2009, suivant le procès verbal du conseil supérieur d’orientation du GIRTEC du 31 juillet 2010 (page 3).

Aussi l’axe juridique n’a été effectif que 2 ans ½ avant le délai fatal du 31 décembre 2012, ce qui réduisait de 75 % le délai accordé pour reconstituer les titres de propriété.

Cette sortie du droit commun était également susceptible d’arriver au regard des règles de fonctionnement du CC qui peut se prononcer sur des dispositions qu'il soulève d'office, c’est à dire sur d’autres dispositions que celles qui ont conduit à sa saisine. Et il le fait d’autant plus facilement dès lors que le Conseil d’Etat lui indique les dispositions qui semblent contraires au principe de l’égalité devant les charges publiques ou devant l’impôt.


Mais pourquoi disent certains, ce qui était possible en 2002 (sous entendu la prorogation du délai) ne le serait plus aujourd’hui ?

Eh bien en raison de la décision du CC du 20 juillet 2008 (Décision n° 88-244 DC), selon laquelle « l'autorité de chose jugée attachée à la décision du Conseil constitutionnel du 22 octobre 1982 est limitée à la déclaration d'inconstitutionnalité visant certaines dispositions de la loi qui lui était alors soumise ; qu'elle ne peut être utilement invoquée à l'encontre d'une autre loi conçue, d'ailleurs, en termes différents ».

En somme la déclaration d’inconstitutionnalité de certaines dispositions ne signifie pas que les autres le soient : cela dépendra du contenu de la nouvelle loi, de la motivation de la nouvelle loi et de l’intérêt général des dispositions qu’elle contient.

Et justement en 2002, lors de l’examen de la loi sur la Corse, le CC ne s’est pas prononcé sur la prorogation …. malgré l’invite du Conseil d’Etat.

Ainsi un nouveau texte aurait peu de chance d’échapper à une nouvelle censure du CC pour deux raisons : la 1ère serait son caractère dérogatoire face à l’immense effort de maîtrise du déficit public et de la dette et la 2ème serait  la présomption d’inconstitutionnalité, indiquée par le Conseil d’Etat qu’il est en droit de soulever d’office.

Les démarches quémandeuses auprès du Gouvernement, entendues ici ou là, pour « ne pas agir sous la pression de la rue », me semblent donc inadaptées.

La solution est ailleurs. Elle sera développée dans le billet suivant. 



SUR LA RÉCENTE DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
BILLET 3

(Sartè da à strada di Mola) 


Dans un article des cahiers du conseil constitutionnel (http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/cahiers-du-conseil/cahier-n-12/les-statuts-de-la corse.52101.html) publié en mai 2002, Michel BERNARD, Président de section honoraire au Conseil d'État, publiait une étude sur les statuts de la Corse.

Il y livre une analyse particulièrement intéressante sur le principe d'égalité devant la loi au regard des divers statuts de la Corse.

Il notait que le CC a estimé à plusieurs reprises que des dispositions des statuts de la Corse méconnaissaient le principe d'égalité devant la loi. Ainsi ont été censurés :  

→ La notion de « peuple corse, composante du peuple français », contraire à la fois aux deux principes d'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine et d'indivisibilité de la République (Décision n° 91-290 DC).
→ L’incompatibilité entre le mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse et celui de conseiller général, alors que sur l'ensemble du territoire de la République le mandat de conseiller général est cumulable avec celui de conseiller régional, contraire au principe d'égalité devant la loi (Décision n° 91-290 DC).

Mais Michel BERNARD note également que le CC a entériné des mesures que certains contestaient :

→ En 1982, il a jugé que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur édicte des mesures d'amnistie ne s'appliquant qu'à des infractions en rapport avec la détermination du statut particulier de la Corse (Décision n° 82-138 DC).
→ En 1991, il a décidé que la situation des listes électorales des communes de Corse présentait des particularités qui autorisaient le législateur, à arrêter des modalités spécifiques de révision des listes électorales, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi (Décision n° 91-290 DC).
→ En 2002, il a estimé que le transfert des compétences de l'État à la collectivité territoriale de Corse ne serait pas constitutif d'une atteinte au principe d'égalité « eu égard aux caractéristiques géographiques et économiques de la Corse, à son statut particulier au sein de la République et au fait qu'aucune des compétences attribuées n'intéresse les libertés publiques, les différences de traitement qui en résulteraient entre les personnes résidant en Corse » (Décision n° 2001-454 DC).

Ces développements démontrent que le CC prend ses décisions en fonction des principes de droit constitutionnel sur lesquels il a la charge de veiller, sans ostracisme quelconque envers l’île comme certains le laissent penser.

S’agissant du principe d’égalité devant les charges publiques ou devant l’impôt son propos mérite d’être étudié avec attention car il rappelle :  

→ Qu’en 2002 le CC a admis une disposition accordant aux employeurs de main-d’œuvre installés en Corse le bénéfice d'une aide de l'État dans la limite de 50 % des cotisations patronales sur le régime obligatoire de sécurité sociale des salariés agricoles.

Pour décider qu’elle n'était pas contraire au principe d'égalité, il a relevé qu'elle « est édictée dans la perspective d'un redressement de l'agriculture corse dont le législateur a pu estimer la situation dégradée au regard d'indicateurs objectifs » et qu'elle « est fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec le but d'intérêt général poursuivi par le législateur » (Décision n° 2001-454 DC)

→ Mais qu’en 2000 il avait déclaré contraire à la Constitution l'article 64 de la loi de finances rectificative pour 2000 faisant bénéficier les exploitants agricoles installés en Corse d'un plan d'apurement de leurs dettes sociales pouvant comporter des reports et remises de ces dettes.
Cette fois il avait estimé qu'il ne résultait ni de la loi ni des travaux préparatoires qu'une situation particulière à la Corse justifiait que les exploitants agricoles qui y sont installés bénéficient seuls de ces mesures et que " ni la loi, ni les travaux préparatoires n'évoquent un motif d'intérêt général de nature à fonder une telle différence de traitement ". (Décision n° 2000-441 DC)

La différence de solution entre ces deux décisions s’expliquait par le fait que le législateur s'est appuyé, pour le texte jugé en 2002, sur des indicateurs objectifs examinés lors des travaux préparatoires, comme le revenu moyen par exploitation (24000 francs en Corse contre 80000 francs en France continentale en 1998), afin d’estimer que l'agriculture corse était dans une situation dégradée justifiant des mesures particulières d'aide en sa faveur.

Conclusion : on voit donc que le CC est enclin à prendre en compte des situations particulières pour peu que soit établie « une situation dégradée au regard d’indicateurs objectifs » et « fondée sur des critères poursuivant un but d’intérêt général ».
Se pose donc la question de savoir pourquoi cette situation dégradée et l’intérêt général n’ont pas été retenus pour la prorogation du dispositif d’exonération fiscale pour les droits de mutation des immeubles en Corse.
Ce sera l’objet du billet suivant.


dimanche 6 janvier 2013


SUR LA RÉCENTE DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
BILLET 2

(Cuventu San Ghjasè)

J’ai soumis mon 1er billet sur la récente décision du Conseil Constitutionnel (CC) à un ami qui m’a fait remarquer qu’elle correspond à une évolution de la jurisprudence du CC qui opère désormais un contrôle budgétaire.

En langage commun le CC contrôle les conséquences des décisions sur les finances publiques en fonction des objectifs poursuivis.


Ainsi en 2007, (décision n° 2007−555 DC du 16 août 2007), le précédent gouvernement et le précédent parlement ont instauré le crédit d'impôt pour les intérêts payés au titre des cinq premières annuités de remboursement des prêts contractés pour l'acquisition ou la construction de l'habitation principale.

Le CC a alors jugé que cet avantage, précisément encadré, répondait pour les prêts futurs à un objectif d'intérêt général qui est de favoriser l'accession à la propriété.

En revanche il a censuré la même mesure accordée aux prêts déjà accordés pour rupture de l'égalité devant les charges publiques entre contribuables.

Il a jugé que cette mesure constituait soutien au pouvoir d'achat au bénéfice des seuls contribuables propriétaires de leur habitation principale, mentionnant que son coût de 7,7 milliards d'euros, faisait supporter à l'Etat des charges manifestement hors de proportion avec l'effet incitatif attendu.


De même en 2002 (décision n° 2002-464 DC du 27 déc. 2002) la loi déférée devant le CC, obligeait, les personnes mettant à la disposition du public, ou distribuant dans les boîtes aux lettres ou sur la voie publique, des imprimés publicitaires ou des journaux gratuits, à contribuer au recyclage des déchets produits.

Faute pour ces personnes d'honorer leurs obligations, le dispositif les assujettissait à une taxe.

La CC n’a pas remis en cause le principe de cette mesure, mais en a jugé le dispositif contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques.

Les exemptions dont elle était assortie,  étaient trop nombreuses, et concernaient notamment les journaux gratuits de petites annonces.


De la même manière, le dispositif de prorogation de l’exonération fiscale pour les droits de mutation des immeubles en Corse qui divergeait de l’objectif de maîtrise du déficit et de la dette publique exprimé au travers de la hausse des prélèvements obligatoires et de la hausse de la fiscalité ne pouvait que subir la censure selon lui.  

SUR LA RÉCENTE DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
BILLET 1

Le samedi 29 décembre 2012, le Conseil Constitutionnel (CC) a rendu sa décision sur la loi de finances pour 2013, et annulé la prorogation des arrêtés Miot. Comme je l’ai entendu ici ou là, je ne crois pas à une quelconque opération de malveillance lors d’un weekend précédant les fêtes de fin d’année.

Le texte a été déposé devant l’Assemblée nationale  le 28 septembre 2012 ; il a été adopté le 20 décembre dernier. En statuant avant le 1er janvier 2013, le CC a permis que les dispositions adoptées, dans leurs parties conformes à la Constitution, puissent entrer en vigueur au 1er janvier 2013.   

Puis j’ai écouté bon nombre de parlementaires et d’élus faire part de leur profond étonnement car le CC aurait statué sur des dispositions de la loi de finances qui ne faisaient pas partie des motifs de la saisine.

Je me suis donc « étonné » à mon tour, car lorsque le CC est saisi d’une loi, il est saisi de du contrôle de l’intégralité du texte. Cette compétence est d’ailleurs redoutée de bon nombre de parlementaires ainsi que le faisait remarquer en 2006 Guy CARCASSONNE (professeur des universités, spécialiste du droit constitutionnel) : «  … le risque de l’imprévisibilité, du dommage collatéral, incite plutôt à la prudence en matière de saisine… ».

Je laisse le soin à chaque lecteur de conclure, soit sur l’ignorance de la procédure soit sur un pieux mensonge.

Mais pour rétablir la vérité peine et entière il faut remarquer que le CC a censuré non pas une (les arrêtés Miot), mais deux dispositions s’appliquant à notre île.

La seconde annulation qui est passée inaperçue concerne une disposition visant à achever les transferts de compétences de l’État vers la CTC, initiés par la loi du 22 janvier 2002, en matière forestière.
 
Cette disposition a été considérée comme un « cavalier budgétaire » par le CC : le cavalier budgétaire répond à l’intérêt des gouvernements successifs et de leurs majorités parlementaires qui veulent aller vite en introduisant dans les lois de finances des dispositions qui n’ont pas à y figurer.

Le CC note que ce transfert ne concerne « ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette de l’État ; ni les impositions pour des personnes morales (collectivités ou établissements publics) autres que l’État ; ni la répartition des dotations aux  collectivités territoriales et qu’il est donc étranger au domaine des lois de finances ».  

Voici pour l’annulation qui n’a pas suscité de commentaires. Passons donc à celle qui nous préoccupe : la non-prorogation des arrêtés Miot.

Lorsque le CC contrôle la loi il vérifie :
1 - si la loi énonce les objectifs auquel son dispositif est censé répondre ;
2 - si le contenu du dispositif est conforme au principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.
Le CC acte que la loi de finances 2013 met en œuvre trois orientations politiques :
→ elle accroît significativement les prélèvements obligatoires, 30 milliards d’€ environ ;
→ elle modifie la fiscalité des revenus du capital qui sont imposés de manière plus importante que les revenus d'activité ;
→ elle rehausse le taux de l'impôt sur la fortune, rapprochant ce dernier de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en vigueur jusqu'en 2011

Le CC n’a jugé aucune de ces trois orientations contraire à la Constitution.

Le CC est ensuite passé à la 2ème phase de son contrôle : examiner si chacune des dispositions du texte respectait le principe d’égalité devant les charges publiques.

Il a constaté que le régime fiscal dérogatoire pour les immeubles situés en Corse, dispensait leur transmission de paiements des droits de mutation.   

Dans le contexte de maîtrise du déficit budgétaire (dépenses supérieures aux recettes sur une année) et de la dette publique (somme des déficits annuels) conduisant aux trois orientations du gouvernement et du parlement, il a jugé que les dispositions constituaient une rupture de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

On peut envisager que des finances publiques saines assorties d’une baisse des prélèvements obligatoires auraient pu conduire à une décision contraire.

Mais en fait cette décision d’abrogation était déjà en marche depuis 2002.

Ce sera l’objet d’un prochain billet.