SUR LA RÉCENTE DÉCISION DU CONSEIL
CONSTITUTIONNEL
BILLET 1
Le samedi 29
décembre 2012, le Conseil Constitutionnel (CC) a rendu sa décision sur la loi
de finances pour 2013, et annulé la prorogation des arrêtés Miot. Comme je l’ai
entendu ici ou là, je ne crois pas à une quelconque opération de malveillance
lors d’un weekend précédant les fêtes de fin d’année.
Le texte a été
déposé devant l’Assemblée nationale le
28 septembre 2012 ; il a été adopté le 20 décembre dernier. En statuant
avant le 1er janvier 2013, le CC a permis que les dispositions
adoptées, dans leurs parties conformes à la Constitution ,
puissent entrer en vigueur au 1er janvier 2013.
Puis j’ai
écouté bon nombre de parlementaires et d’élus faire part de leur profond
étonnement car le CC aurait statué sur des dispositions de la loi de finances
qui ne faisaient pas partie des motifs de la saisine.
Je me suis donc
« étonné » à mon tour, car
lorsque le CC est saisi d’une loi, il est saisi de du contrôle de l’intégralité
du texte. Cette compétence est d’ailleurs redoutée de bon nombre de
parlementaires ainsi que le faisait remarquer en 2006 Guy CARCASSONNE (professeur des universités, spécialiste du droit
constitutionnel) : « … le risque de l’imprévisibilité,
du dommage collatéral, incite plutôt à la prudence en matière de
saisine… ».
Je laisse le
soin à chaque lecteur de conclure, soit sur l’ignorance de la procédure soit
sur un pieux mensonge.
Mais pour
rétablir la vérité peine et entière il faut remarquer que le CC a censuré non
pas une (les arrêtés Miot), mais deux dispositions s’appliquant à notre île.
La seconde
annulation qui est passée inaperçue concerne une disposition visant à achever
les transferts de compétences de l’État vers la CTC , initiés par la loi du 22 janvier 2002, en
matière forestière.
Cette
disposition a été considérée comme un « cavalier budgétaire » par le
CC : le cavalier budgétaire répond à l’intérêt des gouvernements
successifs et de leurs majorités parlementaires qui veulent aller vite en
introduisant dans les lois de finances des dispositions qui n’ont pas à y
figurer.
Le CC note que
ce transfert ne concerne « ni les ressources, ni les charges, ni la
trésorerie, ni les emprunts, ni la dette de l’État ; ni les impositions pour des
personnes morales (collectivités ou
établissements publics) autres que l’État ; ni la répartition des
dotations aux collectivités
territoriales et qu’il est donc étranger
au domaine des lois de finances ».
Voici pour
l’annulation qui n’a pas suscité de commentaires. Passons donc à celle qui nous
préoccupe : la non-prorogation des arrêtés Miot.
Lorsque le CC contrôle
la loi il vérifie :
1 - si la loi
énonce les objectifs auquel son dispositif est censé répondre ;
2 - si le
contenu du dispositif est conforme au principe de l’égalité des citoyens devant
les charges publiques.
Le CC acte que la loi de finances 2013 met en œuvre trois
orientations politiques :
→ elle accroît significativement les prélèvements
obligatoires, 30 milliards d’€ environ ;
→ elle modifie la fiscalité des revenus du capital qui
sont imposés de manière plus importante que les revenus d'activité ;
→ elle rehausse le taux de l'impôt sur la fortune,
rapprochant ce dernier de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en vigueur
jusqu'en 2011
Le CC n’a jugé
aucune de ces trois orientations contraire à la Constitution.
Le CC est ensuite passé à la 2ème phase de son
contrôle : examiner si chacune des dispositions du texte respectait le
principe d’égalité devant les charges publiques.
Il a constaté que le régime fiscal dérogatoire pour les
immeubles situés en Corse, dispensait leur transmission de paiements des droits
de mutation.
Dans le contexte de
maîtrise du déficit budgétaire (dépenses
supérieures aux recettes sur une année) et de la dette publique (somme des
déficits annuels) conduisant aux
trois orientations du gouvernement et du parlement, il a jugé que les
dispositions constituaient une rupture de l’égalité des citoyens devant les
charges publiques.
On peut envisager que des finances publiques saines
assorties d’une baisse des prélèvements obligatoires auraient pu conduire à une
décision contraire.
Mais en fait cette décision d’abrogation était déjà en
marche depuis 2002.
Ce sera l’objet d’un prochain billet.
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