mardi 30 septembre 2014

POUR DES ASSISES DU FINANCEMENT DES TPE

ORIZONTE SERENU ?

Dans mes fonctions de Président de la chambre régionale de Corse, j’entends souvent les TPE (très petites entreprises) se plaindre de leurs difficultés pour obtenir un crédit bancaire.

C’est d’autant plus préoccupant chez nous, car les TPE, entreprises de moins de 10 salariés, constituent 95% du total des entreprises de l’île, suivant les données 2011 de l’INSEE :

  
Or en juin 2014, l’observatoire du financement des entreprises, a publié un rapport sur le financement des dites TPE.   

Ce travail est pertinent car il a été établi avec les données de la Banque de France et après audition des 5 grands réseaux bancaires et des représentants des chefs d’entreprise.  

Il fait ressortir les points suivants :
→ 60% des TPE déclarent ne pas avoir de salarié (71 % en Corse) ;
→ Environ 2/3 des créateurs ont pour objectif principal d’assurer leur propre emploi ;
→ Les TPE sont en renouvellement constant : 30% des entreprises disparaissent au bout de trois ans et 50% au bout de cinq ans ;
   →Leur situation financière est extrêmement variable

Enfin leur accès au crédit s’avère difficile en raison du mauvais dialogue "banques-TPE" et de l’état des finances des TPE.


1 - L’accès au crédit des TPE

L’observatoire dresse le constat suivant :

Le comportement des TPE est très varié : une TPE sur deux investit chaque année et les investissements de plus de 100 000 € ne concernent que 2% d’entre elles.

Leurs dirigeants, souvent isolés, assument l’ensemble des activités de gestion, y compris la gestion financière pour laquelle ils n’ont parfois pas toutes les  compétences.

Un tiers des TPE ont des fonds propres (NB1) nuls.  Aussi utilisent-elles les délais de paiement pour améliorer leur trésorerie (NB 2) : pour avoir de l’argent disponible, elles retardent le paiement de leurs fournisseurs alors qu’elles ont déjà encaissé les paiements de leurs clients.

De manière générale les TPE financent leurs besoins de trésorerie par des découverts. Ils présentent une facilité de mise en œuvre qui convient aux établissements bancaires et aux chefs d’entreprise, mais s’avèrent plus onéreux que les crédits classiques.

Enfin, les TPE font remarquer que les banques leur demandent plus de garanties que par le passé.


2 - Les relations TPE-établissements bancaires

Pour améliorer les relations entre les TPE et les banques, l’Observatoire propose la mise en place de cinq bonnes pratiques (BP) :

→ 1ère BP : Les chefs d’entreprise sont frustrés par les refus de crédits quand ils n’en comprennent pas bien les raisons. L’Observatoire propose que les banques accordent systématiquement, en cas de refus de crédit, un entretien au chef d’entreprise, s’il en fait la demande.

→ 2ème BP : La plupart des réseaux bancaires ont mis en place des procédures de réponse dans des délais très courts à certaines demandes de petits crédits. Mais il subsiste un nombre élevé de réponse des banques qui dépassent 15 jours. L’Observatoire propose que les banques donnent leur réponse sous 15 jours maximum.

→ 3ème BP : A l’expérience il s’avère que la Médiation du crédit n’est pas connue de toutes les TPE. L’Observatoire demande aux différents réseaux d’inscrire systématiquement sur l’ensemble des lettres de refus de crédit, la possibilité de recours à la Médiation du crédit aux entreprises.

→ 4ème BP : Les modes de fonctionnement des TPE sont spécifiques. L’Observatoire recommande aux établissements de crédits de veiller à ce que les chargés de clientèle TPE soient en capacité de proposer des produits de financement qui conviennent mieux à leurs besoins que ne le font les produits actuels : découvert et affacturage (NB3).  

→ 5ème BP : Les TPE vivent mal le départ de leurs conseillers clientèle et leur remplacement par un nouveau connaissant mal leur dossier. L’Observatoire propose que l’ensemble des réseaux bancaires retiennent pour objectif des durées de poste d’au moins quatre ans pour les chargés de clientèle TPE.

L’Observatoire propose d’évaluer la mise en place de ces cinq bonnes pratiques dans deux ans. 

Toutefois il recommande de mettre en œuvre rapidement la 2ème, c’est-à-dire le délai maximal de 15 jours pour fournir une réponse aux TPE.


3 – Pour des assises du financement des TPE

Il est malheureusement acquis que les difficultés que connaissent les TPE de l’île pour trouver un crédit classique ou de la trésorerie sont devenus plus aiguës, après le conflit social qui a mis à mal leurs finances. 

Or un nouveau conflit dans les transports se dessine, avec le dépôt de bilan de la SNCM, qui se rapproche inéluctablement. 

Aussi il me paraît essentiel, pour le devenir de ces entreprises, de leurs salariés et de l’économie de la Corse, que des assises sur le financement des TPE se tiennent au plus tôt dans l’île.

Il faut que les bonnes pratiques évoquées plus haut soient effectives et il nous faut réfléchir à de nouvelles mesures pour aider les entreprises à passer le prochain conflit. 

Menées par l’Etat, la Banque de France et l’ADEC, ces assises associeraient les cinq grands réseaux bancaires (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, BPCE, Crédit Mutuel), les organismes consulaires et tous les secteurs de l’économie.  

Ce me semble une urgence !


NB 1 : Fonds propres : argent mis dans l’entreprise par ses dirigeants afin de lui permettre de démarrer puis de financer ses investissements, avec l’apport complémentaire du crédit bancaire.

NB 2 : Trésorerie : argent dont dispose l’entreprise soit dans sa caisse soit sur son compte bancaire.

NB 3 : Affacturage : achat par la banque ou un organisme spécialisé de la créance d’un client de la TPE ; permet à la TPE de trouver de l’argent en fonction de son activité mais coûte plus cher qu’un crédit. 






mardi 2 septembre 2014


LA REFORME DES CCI

(Un locu assirinatu)


Lors de l’assemblée générale de la chambre régionale d’industrie de commerce qui a eu lieu le 22 mai j’ai donné ma vision des difficultés qui attendent les CCI qui sont, comme toutes les autres institutions du pays, confrontées à un bouleversement. Ce bouleversement est du à la nécessaire adaptation du pays à la mondialisation. Depuis les chiffres ont évolué, en pire…

Voici donc une partie de mon propos d’alors, avec des chiffres actualisés.

1 – Sur la situation économique générale

Chacun sait que la France est confrontée à une crise de la dette publique qui est l’accumulation depuis les années 80 de déficits successifs des budgets de l’Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales.

L’INSEE nous apprend qu’à la fin de l’année 2013, l’ensemble de ces dettes, la dette publique, représente 92 % du PIB. C’est-à-dire que la dette représente 920 € pour 1000 € de richesse produite.

Pour avoir un ordre d’idée de ces chiffres, il faut savoir que les dépenses annuelles de l’Etat 2013 ont été de 460 milliards d’€. La  charge de la dette (les seuls intérêts) a été de 47 milliards d’€, soit  plus que les dépenses consacrées à l’enseignement (44,5 milliards d’€) et bien plus que les deux autres grandes dépenses de l’Etat que sont la défense nationale (40 milliards d’€) et l’enseignement supérieur et la recherche (27 milliards d’€). 

La prévision de croissance est de 0,5 % en 2014, après avoir été nulle en 2012 et de 0,3 % en 2013. Et il faut espérer pour nos entreprises et leurs salariés que cet objectif sera atteint malgré le résultat nul des 1er et 2ème trimestres 2014.

Les chiffres de l’emploi (catégories A, B et C) sont terribles : près de 5,1 millions de personnes au chômage ! En Corse elles sont 20 600 !!!

Telle est la situation économique dans laquelle évoluent nos entreprises et sur laquelle tente d’agir le gouvernement.  

Pour ce faire il a présenté un programme dit « de stabilité », approuvé par les députés, afin de trouver de la croissance et de l’emploi.

Il se décompose en une partie relance de l’activité et en une partie économies pour financer ces dépenses.

La relance de l’activité va coûter 50 milliards d’€ : 20 milliards pour CICE, 10 milliards pour la baisse du coût du travail, 11 milliards pour la baisse et la modernisation de la fiscalité des entreprises et 5 milliards pour le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes. Les 4 milliards qui restent seront gardés en « réserve d’actions ».

Il va financer ces dépenses par des économies : 18 milliards sur les dépenses de l’Etat (36 % du total), 10 milliards sur l’assurance maladie (20 % du total), 11 milliards sur la protection sociale (22 % du total) et 11 milliards sur les collectivités locales (22 % du total).

Comme nos CCI sont des établissements publics d’Etat sous la tutelle des préfets, elles vont, elles aussi contribuer à ces économies.

2 – Sur les mesures annoncées

Le gouvernement a donc décidé de trouver dans le budget des CCI de quoi alimenter son propre budget pour 2014, au motif réel de maîtrise du déficit public en diminuant la taxe qui finance les CCI (la taxe pour frais de chambre ou TFC) et en opérant un prélèvement exceptionnel sur leur fond de roulement.

La réforme de 2010 donnait cette orientation et fixait également l’évolution des CCI vers des entités  régionales. Une récente mission menée sous la direction de l’inspection générale des finances a dressé un sombre constat des CCI :
→Nous intervenons en de trop nombreux domaines d’action ;
→Nous avons reçu un financement élevé, nous permettant de mener des investissements importants, et une politique salariale dynamique, entendez trop dépensière…

In fine (avec la réforme de 2010 et le rapport précité) nous aboutirons :
→A une CCI unique par région ;
→A la mutualisation des fonctions supports et opérationnelles ;
→A dialogue social ayant pour but de maîtriser la masse salariale ;
→Au renforcement de la tutelle pour tout projet supérieur à 1 M€ ;
→A un prélèvement sur fond de roulement de 800 à 1000 M€.

Mais surtout nous allons subir une importante baisse de la taxe (la TFC) qui finance nos CCI. 

3 – Sur la réalité

Désormais c’est Emmanuel MACRON qui est le nouveau ministre de l’économie. C’est lui qui pilotait la réforme des CCI, lorsqu’il était secrétaire général adjoint du Président de la République.  

Dès lors, plus personne ne peut douter que les mesures annoncées seront appliquées, dans des proportions situées entre la position des CCI (20%) et celle de Bercy (30%).

C’est donc une baisse d’au moins  25 % qui nous attend d’ici 2017. C’est-à-dire que le montant de la TFC 2017 diminuera d’un quart par rapport à celui de 2012, ce qui donne les montants suivants :



Nous serions en deçà des valeurs de 2004 !

Comme cette taxe représente près de la moitié de nos recettes, nous allons subir un choc immense et nous allons devoir affronter une situation difficile, très difficile.

Alors que faire ?

A mon sens il faut entreprendre au plus tôt la mutualisation progressive des services communs aux deux chambres territoriales d’Ajaccio et Bastia. C’est le seul moyen de sortir de cette diminution drastique de nos recettes. Certaines chambres continentales y sont déjà parvenues et Bercy nous le rappellera au besoin… 

Certains y sont opposés ou traînent les pieds face à l’inéluctable.

Et pourtant comment justifier une opposition à des économies de 50 milliards d’€, dans la mesure où 10 milliards seront affectés à la baisse du coût du travail et 11 milliards à la baisse et la modernisation de la fiscalité des entreprises ?

Impossible d’avoir le beurre et l’argent du beurre pour reprendre l’expression consacrée.

D’autres font semblant de croire qu’avec une nouvelle majorité parlementaire, de droite et du centre, les choses n’évolueraient pas de la même manière et que le statut quo serait reconduit.

Ceux là font preuve d’une cécité inouïe, occultant la situation économique décrite au début de ce billet et la nécessité de réformer le pays.

Je le dis en toute franchise : le train de la réforme, du changement, du basculement, de l’adaptation à la mondialisation, appelez-le comme vous voulez, est désormais lancé. Le temps de la « petite popote au coin du feu » pour paraphraser le général De Gaulle, est révolu dans les CCI.

Il nous faudra donc aller au-delà de la vision départementale de mise aujourd’hui et faire prévaloir une vision régionale permettant de développer notre île et prospérer nos entreprises et leurs salariés.

J’espère de tout cœur que nous saurons tous ensemble passer cet obstacle.