dimanche 14 décembre 2014

INTERVENTION DEVANT LA CHAMBRE DES MÉTIERS 
SUR LE PLU D’AJACCIO ET LA SITUATION ÉCONOMIQUE





Le 8 décembre 2014, je suis intervenu devant la Chambre des métiers de Corse du Sud à la demande de son Président, François GABRIELLI. Voici mon propos :

Vous m’avez demandé d’évoquer les conséquences économiques d’une future annulation du PLU d’Ajaccio.

J’ai donc lu avec attention le long exposé qu’a présenté le commissaire du gouvernement avant que le Tribunal administratif ne rende son jugement.

Il a retenu comme sérieux 2 moyens de forme pouvant entraîner l’annulation totale du PLU et 4 moyens de fond pouvant entraîner son annulation partielle.


L’annulation totale repose :

1 - Sur l’irrégularité de la concertation

La concertation s’est interrompue pendant 4 ans, entre juin 2007 (premier  bilan de la concertation) et juillet 2011 (date d’élaboration du nouveau projet d'aménagement et réouverture de la concertation).

Elle aurait dû alors reprendre en sa totalité, avec réunions et expositions  publiques destinées à expliquer les nouveaux objectifs et non au travers du seul registre supplémentaire d’observations.


2 – Sur l’absence de communication de la note explicative de synthèse avant la délibération

Dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. 

Or la note relative au PLU, bien que remise un peu plus tard, a été omise dans la convocation, rendant de la sorte irrégulière ladite convocation des conseillers municipaux.

Ces deux moyens de forme peuvent entraîner l’annulation totale du PLU.

Vous en conviendrez avec moi, ce sont de petites causes aux grands effets !

L’annulation partielle repose :

1 – Sur la protection des terres à forte potentialité agricole 

Dans le secteur de LORETO, des parcelles sont composées de terres cultivables présentant une forte potentialité agricole et sont exploitées par le seul maraîcher en agriculture biologique de la commune. De plus ces terres sont vierges de toute construction.

Il en va de même pour les parcelles du secteur de SAN BIAGGIU, composées de terres cultivables présentant une forte potentialité agricole, vierges de construction et servant à l’alimentation d’un troupeau ovin laitier.

Il en est de même pour les parcelles du secteur de SUARTELLO, vierges de construction, composées de terres cultivables présentant une forte potentialité agricole et accueillant des terrasses plantées en maraîchage et vergers d’agrumes.

Par suite, les classements de la commune les rendant inexploitables en raison de risques d’inondations ou de risques technologiques sont irréguliers.


2 – Sur l’extension d’urbanisation (consorts PERALDI, chambre agriculture 2A et U LEVANTE)

Sur le secteur de BUDICCIE sont prévus la future centrale électrique au gaz naturel et le futur pôle universitaire. Mais ces installations doivent être réalisées en continuité d’un espace urbanisé existant ce qui n’est pas le cas.


3 – Sur les espaces remarquables

Sur le secteur D’ACQUA LONGA, des parcelles sont classées ZNIEFF (zones d’intérêt écologiques faunistique et floristique) et ne peuvent être ouvertes à l’urbanisation.


4 – Sur les espaces boisés

Le classement en espaces boisés des espaces de la commune d’Ajaccio fait passer les zones concernées de 1300 à 3200 hectares, soit 1900 hectares de plus.

Or le rapport de présentation du PLU ne fait pas apparaître une telle priorité, ce qui rend cette progression infondée. 

Il ne fait aucun doute que le classement des secteurs concernés par ces quatre moyens (LORETO, SAN BIAGGIU, SUARTELLO, BUDICCIE, ACQUA LONGA et les espaces boisés complémentaires)  sera annulé et que nous en reviendrons au classement antérieur.


Reste à savoir ce que fera le Tribunal pour les deux moyens de forme, c’est-à-dire s’il se prononcera également sur une annulation totale.

Je ne suis pas Madame Soleil, mais je dois vous rappeler que s’il était annulé le PLU ne serait que la 16ème annulation partielle ou totale, depuis quelques années en Corse.

Je dois également vous dire qu’avant de se prononcer le commissaire du gouvernement a participé à un prédélibéré en présence de tous les magistrats ou sont examinés tous les moyens.

Enfin nous savons que le Tribunal de Bastia est extrêmement vigilant sur les procédures d’urbanisme, d’autant que chaque commune qui construit son PLU semble ne pas avoir étudié les raisons qui ont conduit à l’annulation des autres PLU.

Donc je crains le pire pour Ajaccio, même si je ne le souhaite pas !

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En pratique que provoquerait une annulation quelle soit partielle ou totale ?

C’est à la fois simple et compliqué.

Il faut savoir que l'annulation d'un PLU, remet en vigueur le PLU ou le POS immédiatement antérieur.

Conséquences 1 : l’annulation n'entraîne pas l'annulation des PC délivrés et qui sont devenus définitifs avant cette annulation.

Conséquence 2 : Les nouvelles demandes sont instruites suivant le PLU ou le POS antérieurs

Il y a instabilité juridique lorsque le PC a fait l’objet d’un recours contentieux et que le PLU est parallèlement annulé.

Si le tribunal retient que le permis est illégal par rapport aux règles de l’ancien POS ou de l’ancien PLU, le PC est annulé.

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Cependant en qualité de Président de la chambre régionale de commerce et d’industrie je dois dépasser l’horizon ajaccien.

L’annulation d’un PLU a des conséquences économiques sur le secteur du BTP, je ne vous apprends rien.

Mais ces conséquences sont plus importantes en Corse qu’ailleurs.

En effet l’économie de la Corse est fragile car elle repose sur trois rentes :

→une rente foncière pour la construction qui représente 11 % de l’activité économique en Corse, alors que ce secteur ne représente que 7 % de l’activité économique en moyenne nationale;

→une rente environnementale pour le commerce, l’hébergement et la restauration, qui représente 21 % de l’activité économique en Corse, alors que ce secteur ne représente que 14 % de l’activité économique en moyenne nationale;

→une rente de suremploi dans le secteur administratif au sens large, qui représente 31 % de l’activité économique en Corse, alors que ce secteur ne représente que 22 % de l’activité économique en moyenne nationale;


La 1ère rente (foncière) est dépendante de règles d’urbanisme mal définies (15 plan d’urbanisme annulés sans compter Ajaccio).

La 2ème rente (environnementale) est dépendante des transports, avec une SNCM qui ne va plus exister dans quelques mois et du respect de nos sites naturels, dont certains font peu de cas. 

La 3ème rente (suremploi public) est menacée par la baisse des dépenses de l’Etat afin de maîtriser le déficit public.

Un PLU annulé entraîne donc une baisse notable d’activité dans une microrégion.

C’est d’autant plus fort que le secteur tournait à plein régime.

Mais la crise, le manque de clairvoyance des élus et les difficultés d’interprétation de la loi sont passés par là.


Les chiffres sont sans appel !

Suivant les statistiques du ministère du logement il y a eu 5300 logements autorisés en Corse entre novembre 2012 et octobre 2013.

Ils ne sont plus que 3630 entre novembre 2013 et octobre 2014 : 31,5 % de baisse !

En France la baisse a été de 13 %.

Nous sommes bien dans une économie de rente : la baisse générale de 13 % provoquée par la crise au plan national, est amplifiée ici, presque trois fois plus, avec 31,5 %, par l’importance du secteur.

Toujours suivant ces mêmes chiffres les entreprises ont résisté pour le moment, je dis bien pour le moment, en lissant leur activité.

Il y a eu 3080 logements commencés en Corse entre novembre 2012 et octobre 2013.

Ils sont 3030 entre novembre 2013 et octobre 2014 : 1,6 % de baisse, alors qu’elle a été de 12 % en moyenne nationale.

Mais que feront-elles après ce lissage d’activité ?

Malheureusement chacun le sait : ce sera difficile pour ne pas dire plus….

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Alors quelles solutions sont préconisées par les professionnels du secteur et les économistes ?  

Ils constatent tout d’abord que les aides à l'investissement locatif, ont couvert la France de résidences à moitié vides, qui ont affaibli les rentrées fiscales de l’Etat et mis en difficulté des dizaines de milliers de propriétaires.

Leur vision est simple : mettre fin à la construction pour la construction et construire utile.

Construire utile c’est aider les entreprises à s’orienter sur des programmes d'efficacité énergétique.

Les maisons, logements et bureaux absorbent le tiers de la consommation française d'énergie. Les techniques pour faire beaucoup mieux sont connues. Ils appellent donc le secteur à rajouter une nouvelle spécialisation à leur compétence habituelle : la spécialisation énergétique.

Chacun convient que la solution de la crise du bâtiment, c'est de l'investissement utile à long terme

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Mais pour investir, vous le savez, il faut des fonds, il faut des dispositifs de financement.

Et là commencent les difficultés.

Il faut savoir que l’épargne collectée en Corse finance l’investissement dans le reste du pays.

Suivant les chiffres de la Banque de France, il y a eu entre 2008 et 2013, 7700 millions d’euros de plus d’épargne collectée que de crédits accordés en Corse.  

Pour vous donner un ordre de grandeur 7700 millions d’euros, cela fait 4 PEI, oui 4 PEI de 1950 millions d’euros !

Au surplus vous connaissez comme moi les difficultés que les entreprises corses connaissent pour se financer, tant en crédit de trésorerie qu’en crédit d’équipement.

Ceci m’a conduit à demander au préfet BORIUS des assises du financement des entreprises.

L’idée a été bien accueillie, mais pour le moment il n’y a rien de concret.

Or comment voulez vous que le tissu des entreprises de Corse, qui comprend 6250 entreprises (chiffres INSEE au 31 décembre 2011), avec près de 6000 d’entre elles qui ont moins de 10 salariés puissent s’adapter sans disposer de dispositifs d’investissement adaptés ?

Comment voulez vous que ces 6000 très petites entreprises fassent individuellement le poids face aux banques ?

Comment voulez vous que ces 6000 très petites entreprises fassent individuellement le poids face aux agences et offices qui les inondent de dossiers ?

Comment voulez vous que ces 6000 très petites entreprises fassent individuellement le poids face aux organismes de recouvrement sociaux et fiscaux ?


Je vous le dis, ce n’est que par un regroupement de nos atouts, ce n’est que par des actions concertées entre organismes consulaires, que nous auront quelques chances de progresser et d’aider nos entreprises et nos artisans.

Cette concertation est d’autant plus souhaitable à mon sens, que les fortes restrictions budgétaires des chambres de commerce, des chambres des métiers et des chambres d’agriculture prévues dans le PLF 2015 vont modifier profondément la manière de fonctionner des institutions consulaires.

Il nous faudra établir des priorités.
Il nous faudra envisager de travailler ensemble de manière continue et pourquoi pas de mutualiser les services de prospections pour faire face aux difficultés.

Vous m’avez demandé d’intervenir dans votre assemblée générale : je vous en remercie car j’y vois un signe fort de ce futur travail en commun.











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